LEFFE-TOI ET MARCHE !
Câest Ă lâoccasion de la sortie des 5Ăš folles enquĂȘtes de RenĂ© Magritte et Georgette que nous avons rencontrĂ© Nadine Monfils, lâĂ©crivaine et rĂ©alisatrice ayant fait de Michel Blanc un commissaire de police passionnĂ© par le tricot. Rencontre avec cette personnalitĂ© au grand cĆur et chaleureuse. Thibaut Demeyer.
La nouvelle enquĂȘte de RenĂ© Magritte, son Ă©pouse Georgette et leur petit chien Loulou va les emmener Ă Dinant. Plus prĂ©cisĂ©ment au sein de lâillustre Abbaye de Leffe comme lâexplique Nadine Monfils, Ă©crivaine et rĂ©alisatrice belge vivant Ă Montmartre. Cela fait des annĂ©es quâelle nous rĂ©gale Ă travers ses histoires Ă lâunivers particulier, oscillant entre le dĂ©jantĂ© et lâhumour bien belge. La lire est un pur bonheur, un moment de grĂące, une vĂ©ritable jouissance.
Pour quelles raisons ĂȘtes-vous passĂ©e de lâunivers du Commissaire LĂ©on et ses enquĂȘtes Ă celui de RenĂ© Magritte et Georgette ?
Nadine Monfils : Câest une idĂ©e que jâai eue avec mon Ă©diteur Glen Tavennec de chez Robert Laffont qui trouvait chouette une sĂ©rie « cosy mystery ». Sauf que je ne suis pas du tout sur le « cosy mystery ». Il mâa alors proposĂ© dâĂ©crire sur un personnage belge. Jâai immĂ©diatement pensĂ© Ă RenĂ© Magritte que jâaime beaucoup. Nous avons trouvĂ© marrante lâidĂ©e oĂč RenĂ© Magritte, sa femme Georgette et leur petit chien Loulou mĂšneraient les enquĂȘtes. Dâailleurs, Magritte Ă©tait fĂ©ru dâhistoires de dĂ©tectives au point de garder une pipe dans sa poche comme un cri-cri.
A votre avis, comment RenĂ© Magritte rĂ©agirait-il en apprenant quâil est le hĂ©ros dâenquĂȘtes policiĂšres ?
Si je tiens compte de tous les signes que je reçois depuis que jâĂ©cris sur lui, je me dis que ce nâest pas anodin. Jâai failli mourir au mĂȘme Ăąge que lui Ă 69 ans. Jâai alors pensĂ© que si je mâen sortais, câest quâil voulait que je continue. Et puis, il y a un autre truc qui mâa confortĂ© Ă lâidĂ©e que cela lui plairait. Câest quâil Ă©tait trĂšs ami avec lâavocat Louis Scutenaire, qui lâa dâailleurs aidĂ© au dĂ©but de sa carriĂšre. Un jour, faisant une razzia dans ma cave, une enveloppe est tombĂ©e par terre. Partie sur lâidĂ©e de la jeter, je regarde quand mĂȘme ce quâelle contient. CâĂ©tait une lettre de Louis Scutenaire (ndlr : une copie est reproduite Ă la fin de « Leffe-toi et marche ») qui mâĂ©crivait. Elle date de 1985. Comme elle Ă©tait trĂšs belle par rapport Ă mon Ă©criture, Ă mon univers je me suis dit « voilĂ , je pense que Magritte aurait aimĂ© ». Je ne le trahis pas dâailleurs car jâessaie toujours, avec ma sĂ©rie Magritte, parce que cela reprĂ©sente un travail colossal de recherches, de faire dĂ©couvrir aux gens, qui ne le connaissaient pas le personnage quâil Ă©tait vraiment. Toutes les anecdotes dans le bouquin et ses petits dĂ©tails, ce quâil mangeait, ce quâil faisait, ce quâil pensait, sa peinture etc. câest vrai. La seule chose que jâai inventĂ©e câest mon univers, lâintrigue et une femme de mĂ©nage. Jâai appris plus tard quâil en avait une qui, comme mon personnage dans les livres, ne faisait pas grand-chose. (Rire). Et pour les gens qui connaissaient Magritte, jâai voulu leur en apprendre encore plus car il avait un aspect de petit bourgeois, de bonhomme avec un chapeau boule, quoiquâil le mettait uniquement pour faire les photos, mais en fait il Ă©tait restĂ© un sacrĂ© gamin, un espiĂšgle.

Vos histoires sont extraordinairement bien documentĂ©es. Avant de les Ă©crire, vous vous rendez sur les lieux que Magritte visitera lors de ses enquĂȘtes ou au contraire, vous lui faites visiter les endroits que vous connaissez bien ?
Un peu les deux. Par exemple, Knokke le Zoute, je nây suis pas retournĂ©e parce que je connais lâendroit par cĆur. Et puis le Zoute dâaujourdâhui nâest pas celui de Magritte. Je me base donc aussi sur ses photos. En revanche, ce lundi en huit, je vais aller au cimetiĂšre de Soignies car câest dans ce cimetiĂšre quâil a eu la rĂ©vĂ©lation de la peinture. Il y a rencontrĂ© un peintre qui y peignait des colonnes cassĂ©es. Il raconte dans ses Ă©crits que câest cette rencontre qui lui a donnĂ© lâenvie de peindre. Dâailleurs, ce peintre, que Magritte a rencontrĂ©, on le retrouvera dans le prochain livre qui se passera Ă Charleroi. De toute façon, je ne fais voyager Magritte que dans des endroits oĂč il sâest rendu.
De mon cĂŽtĂ©, jâai besoin de mâimprĂ©gner des lieux que lâon retrouve dans mes livres. Par exemple je suis allĂ© Ă Dinant et Ă lâAbbaye de Leffe oĂč jâai liĂ© amitiĂ© avec le pĂšre Jean-Baptiste, le chanoine qui est marrant. Vous savez, quand on va sur place, on a encore dâautres petits bonbons qui arrivent et qui nourrissent lâhistoire.
A partir de quels éléments partez-vous pour construire vos histoires ? Faits divers ? Tableaux de Magritte ?
Je nâai pas de rĂšgle. Je peux partir dâune image par exemple. Je me balade souvent au marchĂ© aux puces. Parfois, vous tombez sur un carton oĂč se trouve toute une vie avec des photos et lorsque la personne est partie, on largue tout. En voyant cela, lâidĂ©e mâest venue dâun type qui a perdu sa femme et tout dâun coup dans une caisse au marchĂ© aux puces, il voit des photos dâelle. Il achĂšte la caisse, regarde son contenu et trouve au fond un journal avec un fait divers oĂč il est dit que la famille a brĂ»lĂ©. Et la fille, qui avait 17 ans Ă lâĂ©poque, a pĂ©ri dans lâincendie avec ses parents. LĂ , le type ne comprend plus puisque sa femme ne peut pas ĂȘtre morte deux fois. Je pars donc de cela et aprĂšs « dĂ©brouille-toi avec ça Nadine ! » (Rire).

Combien de tomes prévoyez-vous ?
Je nâen sais rien ! Jâai encore plein dâidĂ©es, si je ne meurs pas avant, câest bon. Jâaimerais bien en Ă©crire plein dâautres parce que Magritte me fascine. Je crois que nous nâallons pas de maniĂšre anodine vers un personnage. Je me suis rendue compte par exemple en lisant toutes les blagues quâil faisait quand il Ă©tait petit, que je faisais pratiquement la mĂȘme chose. JâĂ©tais un sacrĂ© morpion, un garçon manquĂ© que je suis toujours dâailleurs. Magritte et moi, nous nous ressemblons beaucoup, nous avons plein de points communs. Ce qui me plaĂźt aussi câest que plus je creuse, plus le mystĂšre sâĂ©paissit et ça jâaime bien. Comme ses peintures, on ne peut pas les expliquer. Dâailleurs, il ne voulait pas non plus.
Sauf erreur de ma part, au dĂ©but des aventures de RenĂ© Magritte, vous parliez dâune enquĂȘte qui devait se dĂ©rouler Ă Montmartre. Est-ce toujours dâactualitĂ© ?
Elle est finie ! Quand jâai terminĂ© un bouquin, je rempile dans un autre parce que je ne sais pas mâarrĂȘter, je suis une boulimique de lâĂ©criture.
Mais ce tome nâest pas encore sorti ?
Non pas encore. En fait, jâai deux tomes dâavance. Celui sur Charleroi, qui sortira en septembre/octobre et celui sur Montmartre, devrait sortir dĂ©but 2024.
Est-il prévu une adaptation de vos livres au cinéma ou à la télévision ?
Il y a une option de prise pour la tĂ©lĂ©vision. Maintenant, il faut que les portes sâouvrent, câest la productrice qui prend cela en charge. Câest toujours un long chemin et tant que lâon nâa pas dit « moteur », le projet nâexiste pas.
« Les folles enquĂȘtes de Magritte et Georgette â Leffe-toi et marche ! » de Nadine Monfils aux Ă©ditions Laffont. Disponible en Belgique, France, Suisse et Canada. 258 pages.
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