LE CINEMA DE PAPA PAR JEAN-MARC WEYLAND
7e JURE de Georges Lautner : PEPITE DU 7E ART
Film ancien, regard neuf. La nouvelle rubrique « Le cinéma de papa » vous invite à découvrir des œuvres un peu oubliées mais marquantes. Aujourd’hui, un Georges Lautner méconnu à redécouvrir : Le 7ème juré. Jean-Marc Weyland
Bienvenue dans cette nouvelle rubrique, « Le cinéma de papa » où je pensais parler de grands classiques mais tout n’a-t-il pas déjà été dit sur eux ? Je préfère vous faire découvrir des pépites un peu oubliées, rarement diffusées à la télévision. Des œuvres qui méritent un nouveau coup de projecteur. Je tiens à aborder ces films avec une nostalgie joyeuse, juste le plaisir de les revoir sans les mettre en concurrence avec le cinéma actuel.
Et quoi de plus naturel que d’inaugurer cette rubrique avec le magnifique Le 7ème juré de Georges Lautner (1962) ? C’était son film préféré, et pourtant loin d’être son plus célèbre. Un film à part dans sa filmographie : on connaît surtout Monsieur Lautner pour ses comédies comme Les tontons flingueurs.
L’histoire
Dans un moment d’égarement, Duval (Bernard Blier), pharmacien d’une ville de province, commet l’irréparable : il étrangle une jeune femme qu’il tente d’agresser sexuellement. La justice accuse un innocent et, ironie cruelle, Duval est désigné comme juré au procès de son propre crime. Hanté par sa faute, il envisage de se dénoncer mais la petite bourgeoisie provinciale, soucieuse de préserver les apparences, préfère protéger l’un des siens. Un monde où l’image compte plus que la vérité.
Nous voilà donc dans un film de procès, mais l’histoire ne vous rappelle rien ? Moi si, je pense immédiatement à Juré n°2 de Clint Eastwood. La parenté est troublante … Clint, fan de Lautner ? Je vous laisse juge et jury de cette accusation. Le film de Lautner a d’ailleurs connu un remake télévisé en 2007, avec Jean-Pierre Darroussin.

La genèse
Bernard Blier était désireux d’interpréter ce personnage complexe. Il le propose à un jeune réalisateur qu’il apprécie, Georges Lautner, avec qui il avait déjà tourné. Déjà vedette, Blier signe là son 100e film, et son nom permet de financer le projet, comme il l’avait fait pour les premiers Lautner. L’acteur choisit le lieu du tournage : Pontarlier, dans le Doubs, où il passait ses vacances en famille. Son fils, Bertrand Blier, assistant réalisateur sur le tournage, racontait : « On se gelait les miches ! », et malgré le sujet grave, le tournage fut joyeux et drôle.
L’analyse
Nous sommes ici dans un portrait au vitriol d’une bourgeoisie provinciale, qui rappelle Claude Chabrol. Le scénario est signé Jacques Robert, d’après le roman de Francis Didelot. Quant aux dialogues, Lautner n’avait pas encore rencontré Michel Audiard : c’est Pierre Laroche qui s’en charge, et il n’a rien à envier au maître. Quelques répliques cinglantes : «Où allez-vous ? — Je ne sais pas. — Eh bien, c’est sur mon chemin. » « Non, ce n’est pas possible… Une minute d’égarement ne peut pas effacer toute une vie respectable. » Et quel plaisir d’entendre la voix de M. Blier en voix off, comme la conscience qui le ronge.
Les seconds rôles
Impossible d’oublier les formidables seconds rôles, loin d’être de simples faire-valoir des rôles principaux comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, là ils tenaient la dragée haute aux vedettes. La talentueuse Danièle Delorme, le truculent Maurice Biraud (génial en vétérinaire qui vomit cette bonne société), et deux futurs tontons flingueurs, Francis Blanche et Robert Dalban.

L’anecdote
Pour le 50e anniversaire du film, la ville de Pontarlier organisa une célébration.
Lautner, amusé, confia : « Ces gens sont formidables, on a démoli les bourgeois du coin… et on est reçu en grande pompe aujourd’hui ! »
Comment le voir Il existe un superbeDVD et Blu-ray édité en 2014 à l’occasion de sa restauration. La photographie en noir et blanc de Maurice Fellous y est magnifique.


























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